Genèse de la solidarité inondation

Genèse de la solidarité contre l’inondation

La multiplicité des intervenants sur et autour des digues peut engendrer une certaine confusion pour les non initiés. Afin de comprendre la situation actuelle, remontons le temps…

Dès le moyen âge, les propriétaires riverains de cours d’eau se regroupent afin de mutualiser leurs moyens dans la lutte contre les inondations. Les corvées et l’affouage permettent souvent d’assurer l’entretien courant des digues. Progressivement, le droit reconnaît l’existence juridique des riverains en matière de travaux publics. La gestion des biens communs est alors partagée entre communautés et riverains. La réalisation et l’entretien des ouvrages sont à l’initiative privée ou locale.

Riverains et associations syndicales
En 1720, puis en 1764, c’est la gravité de la situation posée par les crues destructrices des cours d’eau torrentiels en Dauphiné qui amène l’Etat à prendre l’initiative dans un contexte politique local tendu. Suite aux lettres patentes du 8 juillet 1768 [1], communautés et particuliers se chargent des travaux. Ce sont les prémices des associations syndicales, nouvelles collectivités publiques qui seront entérinées par les lois de 1807 et 1865. Dans la loi du 16 septembre 1807, l’Etat confirme cependant que la réalisation de travaux de protection contre les inondations relève des propriétaires privés [2].

Gravure ancienne montrant Cularo, le village gaulois qui deviendra Gratianopolis, puis Grenoble. L’actuel quartier de la gare et l’Ile Verte ne sont que méandres de l’Isère et du Drac : “Le Serpent et le Dragon”.Peu à peu, ces associations libres se transforment en – associations syndicales « officielles » (forcées ou autorisées), mais la faiblesse relative de leurs ressources limite l’importance de leurs travaux à des levées de terre autour des parcelles ou des confortements ponctuels de berge. L’intervention de l’Etat modifie peu à peu le dispositif. Dans la région grenobloise, le véritable réengagement de l’Etat a lieu après 1830, avec la création du Ministère des Travaux Publics. On assiste alors, en quelques années, à une multiplication du nombre des associations syndicales. Au total, près de 35 coexistent le long de l’Isère et du Drac – 12 à l’aval de Grenoble, 23 à l’amont – ce qui finit par rendre la situation ingérable.

La recrudescence des crues dévastatrices à compter des années 1830, avec notamment celle de 1859, aboutit en 1862 à un règlement particulier dans la vallée de l’Isère, entraînant des fusions d’associations syndicales. De nouvelles possibilités de financement permettent la réalisation d’importants travaux au cours de la seconde moitié du 19e siècle. Le dispositif permet, en une trentaine d’années, d’exhausser et de consolider les anciens ouvrages, de combler les lacunes et surtout d’établir un réseau de drainage efficace à l’amont de Grenoble, sur toute la rive droite et une partie de la rive gauche de l’Isère. Sur le terrain, la situation de l’Isère devient de nouveau préoccupante dès la fin du I9ème siècle, du fait de la surélévation régulière du lit de la rivière. A l’échelle de la vallée, les associations ne peuvent assurer la coordination de leurs efforts.

Tout en laissant aux riverains leur part de responsabilité et de financement, l’Etat souhaite alors assurer un meilleur contrôle des tâches et des finances, et ce dans le cadre d’un schéma d’aménagement qu’il maîtriserait. Au sortir de la première guerre mondiale – et avec le souvenir des dégâts occasionnés par la crue de 1914 – de nombreuses initiatives sont prises au plus haut niveau. Elles conduiront le Conseil d’Etat à créer par décret – en 1936 – l’Association Départementale des collectivités intéressées à l’aménagement des plaines de l’Isère et du Drac, un organisme regroupant les syndicats riverains, le Département de l’Isère et les communes incluses dans le périmètre fixé.

[1] « Les réparations et ouvrages qui sont à faire contre les rivières et torrents n’intéressant souvent qu’un certain nombre de particuliers dans une communauté, et non la généralité des habitants, ordonnons en ce cas, que les particuliers intéressés seront tenus de se syndiquer et de se soumettre tout en commun et solidairement au paiement de la somme pour laquelle ils devront contribuer aux dits ouvrages… »

[2] L’article 33 de cette loi précise : « Lorsqu’il s’agira de construire des digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières ou torrents navigables ou non navigables, la nécessité en sera constatée par le Gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux ; sauf le cas où le Gouvernement croirait utile et juste d’accorder des secours sur les fonds publics ».

1936 : Naissance de l’Association Départementale Isère Drac Romanche

 Créée en 1936 par le Conseil d’Etat, l’Association Départementale Isère Drac Romanche résulte d’une longue tradition de luttes solidaires contre les inondations.

Au sortir de la première guerre mondiale – et avec le souvenir des dégâts occasionnés dans le Grésivaudan par la crue de 1914 – de nombreuses initiatives sont prises au plus haut niveau de l’Etat. Tout en laissant aux riverains leur part de responsabilité et de financement, ce dernier souhaite assurer un meilleur contrôle des tâches et des finances, et ce dans le cadre d’un schéma d’aménagement maîtrisé.

Que faire ?
En 1926, une commission interministérielle est constituée en vue de rechercher les remèdes à apporter à la situation particulière de nos vallées. L’année suivante, cette commission décide l’ouverture d’un concours entre spécialistes des études et travaux hydrauliques. Présenté par l’entreprise Schneider, le projet retenu en 1929 préconise :
– l’exhaussement des digues de l’Isère et le dragage du lit
– la remise en état des canaux d’assainissement de la plaine
– la création de champs d’inondation pour écrêter les grandes crues
– la coupure des trois boucles de l’Isère à l’amont de Grenoble
– l’exhaussement des digues du Drac
– projet annexe : la protection de Bourg-d’Oisans sur la Romanche.

Approuvé par le Conseil Supérieur des Travaux Publics, ce projet aboutit sur une loi relative à l’exécution des travaux qui restent à la charge de l’Etat [1]. Le montage financier est alors novateur : l’Etat finance l’investissement à hauteur de 94,5 % (260 millions de francs de l’époque). Néanmoins, les travaux prévus par la loi ne furent jamais exécutés, à l’exception d’un dragage d’étude à l’amont de Saint-Gervais : le lit fut approfondi de 1 à 1,50 m sur une largeur de 50 m et sur une longueur de 2,5 km.

Un nouvel acteur
C’est dans ce contexte que, le 27 septembre 1936, le Conseil d’Etat adopte un décret créant l’Association Départementale des collectivités intéressées à l’aménagement des plaines de l’Isère et du Drac. Cette entité regroupe le département, les communes et les associations syndicales de la zone inondable de 1859. Outre le choix des travaux à engager, l’AD devait établir la part du financement revenant aux communes et associations syndicales, la percevoir et entretenir les ouvrages qui devant obligatoirement lui être remis dès leur achèvement. L’AD Isère Drac Romanche est donc née de la volonté de l’Etat d’obtenir une plus grande efficacité dans l’exécution des travaux d’aménagement des plaines de l’Isère et du Drac, mais aussi d’avoir un interlocuteur unique. En 1969, sur demande du Syndicat Unique de l’Oisans (SUO), la compétence de l’AD a été étendue à la vallée de la Romanche. L’établissement ainsi créé est depuis nommé : Association Départementale des collectivités intéressées aux travaux d’assainissement des plaines de l’Isère, du Drac et de la Romanche.

Suite aux graves inondations de septembre 1940, une nouvelle loi sur l’aménagement et l’assainissement des plaines de l’Isère, du Drac et de la Romanche, est promulguée le 30 novembre 1941. Elle fixe à nouveau les conditions d’exécution de travaux s’inscrivant dans le cadre du projet Schneider de 1927. Mais l’exécution des travaux est une nouvelle fois différée du fait de la guerre. Des études hydrauliques sont toutefois réalisées à l’initiative des Ponts & Chaussées, avec la collaboration du laboratoire d’hydraulique Neyrpic, en vue de rechercher les lois de transport de débits solides dans l’Isère, et d’évaluer de façon aussi précise que possible l’importance de la sédimentation.

On le sait moins mais, en parallèle aux travaux de protection contre les crues, l’AD Isère Drac Romanche a également entrepris des travaux d’assainissement (plan d’équipement rural). De 1952 jusqu’à la fin des années 80, ces travaux consistaient essentiellement en la réfection des réseaux de canaux des associations syndicales. Jusque dans les années 90, le personnel et le matériel de l’AD étaient mis à leur disposition en vue d’assurer l’entretien des ouvrages d’assainissement et du réseau des canaux.

Histoire des digues du Drac

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